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Né de l’écume des mots, peu après la bataille de Midway, gémeau ascendant taureau, la bouche pleine de terre, il découvre la bulle de savon après la guerre, quand le savon avait le goût de fiel et que la maîtresse d’école lui lavait langue chaque fois qu’il prononçait avec son accent vaudois des mots de la terre ou du corps.

Après des études de lettres, bien nommées car l’esprit n’y souffle guère, il enseigne de vaisseau, mais pris de mal de mère il va prêter des livres à la Bibliothèque municipale de Lausanne, belle paysanne qui a fait ses humanités.

Il dévore pendant un demi-siècle un livre par nuit, quinze mille livres ou sept mille cinq cents kilos de romans policiers, de science-fiction, de livres populaires ou littéraires, sans compter cinq mille bandes dessinées et devient un spécialiste de la lecture publique et de ce que l’Université peut appeler des mauvais genres ou la paralittérature, à l’époque où elle les ignorait. Directeur de la Bibliothèque municipale de Lausanne de 1979 à 2002, grand défenseur du livre et de la lecture, il essaie de favoriser les itinéraires du désir dans sa bibliothèque pour provoquer la rencontre amoureuse de chaque lecteur et de chaque livre au cœur d’une société de plus en plus normalisante. Il y fonde la plus grande collection publique de bandes dessinées de Suisse. Il publiera ses articles critiques à large spectre, consacrés à la bande dessinée, disséminés chez Mosquito, Swof ou inédits, dans le recueil L’étang et les spasmes dans la bande dessinée, paru chez Castagniééé.

Il éditera, rédigera des brochures, prononcera des allocutions, des conférences toujours autour du livre, de la lecture, de l’écriture, de la bande dessinée, des images et des mots. Il participe activement aux festivals de bd de Sierre, Tramlabulle à Tramelan, Bédémania à Corminboeuf, invente le sigle BD-FIL pour le Festival international de bd de Lausanne, intervient deux fois aux journées du conte de Rossinière, etc…

Avec deux complices, il conçoit, écrit, imprime en offset, publie les six numéros d’une revue, L’Ergot,  en 1970. Il participe à l’entreprise périphériscopique de Schüp, puis dès 1978, en tant que membre du conseil d’administration, à l’envol des nouvelles éditions de l’Aire sous l’égide de Michel Moret. Fidèle à plusieurs, Il publie aux prestigieuses éditions de l’Âge d’homme, à l’Aire, chez Humus, chez Bernard Campiche, Castagniééé, Olivier Morattel, Hélice Hélas, l'Hèbe, Mosquito à St-Egrève et participe à diverses aventures du livre et de la bd. Membre durant plus de trente ans de la Commission cantonale vaudoise des activités culturelles, il défend urbi et orbi, en tentant de favoriser le surgissement de jeunes pousses, l’encouragement à la lecture et à l’écriture de nouveaux talents. Il n’y a pas de mauvais livre, c’est sur l’indispensable fumier que poussent les belles roses, c'est son slogan. Il a toujours eu de l’affection pour les livres méconnus, les auteurs inconnus, les œuvres oubliées par le buzz médiatique et s’acharne durant ses années bibliothéconomiques, contre vents et marées, contre le silence méprisant, ignorant ou arrogant, à les lire, à les défendre et à les promouvoir. Il met en pratique l’idée qu’à chaque instant il y a un bon livre pour un lecteur et qu’il faut et suffit de les faire se rencontrer, art suprême de l’intermédiaire, libraire, bibliothécaire, critique. Il défend ce principe dans son premier livre publié à l’Âge d’homme en 1978 : Le Rat la Célestine et le Bibliothécaire. La lecture, fût-ce de bd, qui exige temps, détour et distance est le principe vital de la société contemporaine, le rare parapet d’intériorité et de silence qui sinue dans l’harmonieuse cacophonie entropique du système actuel. Il fut membre fondateur du Prix de la Bibliothèque pour tous devenue Bibliomedia, qu’il présidera de longues années, puis, avec Jacques Chessex, membre fondateur du jury du Prix Edouard Rod. Il enseignera aux bibliothécaires l’art de découvrir les mêmes symboles et images chez Barbara Cartland, Marcel Aymé, Gérard de Villiers, Simenon ou Marcel Proust. La littérature comme la bd sont une dans leur infinie diversité. Le un engendre le deux puis les dix milles et du petit dernier on peut remonter au un originel.

Membre fondateur et toujours secrétaire de FINALE, la Fondation INternationale d’Arts et de Littératures Erotiques, présidée par Michel Froidevaux, son intérêt pour l’érotisme ne s’est jamais démenti de sa naissance, de sa conception peut-être, à aujourd’hui. Il se consacre depuis 2002 à l’écriture et à la marche, tentant de formaliser ses a priori pour les éroder, de résister au système devenu, enté sur le succès autophage de mai 68, et à partir de la destruction ambivalente du mur de Berlin, pieuvre concurrentielle monopolistique, circulation délirante et pourtant ivre d’ornières, égalité forcenée engendrant des inégalités exponentielles. Il parodie ces phénomènes, les mettant en évidence dans son écriture, par l’intégration des mots du terroir ou des savants, de la modernité, des allusions aux classiques et aux séries télévisées dont il a vu plus de trois cents titres soit près de dix mille épisodes, à l’histoire, à la géographie, à la botanique, à la géologie, à la zoologie, à la sociologie ou l’anthropologie, par l’oxymore permanent, les suffixes et les préfixes, les rimes et les assonances, le rythme et les images, l’ironie, ce monde à l’envers qui pense qu’il n’y a qu’un endroit. S’il n’y en avait qu’un serait-ce celui que le politiquement correct nomme le petit endroit ?   

 

Il pratique des solutions locales, la lenteur, le geste singulier, il aime faucher car la faux est juste, fuyant la foule, les autoroutes, se défiant des instrumentalisations ubiquitaires, il aime marcher à la montagne car cela développe l’esprit d’escalier, substitut intéressant au va-et-vient du tennisman et du pendulaire.

 

Il rencontre en 2005 à Tramlabulle l’incroyable Stéphane Bovon qui va l’éditer à l’enseigne de Castagniééé et dès 2011 l’associer à ses nouvelles éditions Hélice Hélas. Si son père lui avait seriné l’impossible, Bovon  lui montre l’effervescence du tout est possible. C’est chez Castagniééé encore qu’il rencontrera Olivier Morattel qui deviendra l’éditeur de la célèbre trilogie La guerre de légumes, L’enquête immobile et Confession d’un repenti.

Champion du relativisme absolu, il connaît six points cardinaux, nord, sud, est, ouest, nadir et zénith. Humble comme les bactéries et les champignons qui partagent son enveloppe charnelle, il est l’homme des combes et des cols plutôt que des sommets. Il jardine, arrachant plus souvent qu’il ne sème, peut-être ne s’aime-t-il pas assez ?, admirant la prolifération spontanée de la terre, de la vie.

 

Rien de ce qu’il écrit n’est dépourvu d’humour, d’ironie, d’érotisme, d’onirisme, de mélancolique jubilation et sans doute de visée initiatique. Il souhaite que son lecteur ait aussi l’esprit d’escalier, qu’il remonte et redescende, franchisse les seconds degrés, voire le troisième et joue avec lui.

Comme il l’a dit lors de la remise du Prix des Ecrivains Vaudois qui lui fut attribué en 2013 :

Je suis un tissu d’influences

Et le plus gros concurrent d’Easyjet

Pour deux fois moins cher mon livre vous emmène au cœur de vous-même

Destination si lointaine qu’il est rare qu’on y arrive…

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